Les maths réinventent la voile

Cap sur le zéro carbone

N° 382 - Publié le 8 septembre 2020
ENSTA BRETAGNE
Les chercheurs testent la résistance de voiles rigides sur un prototype à Pornichet.

Magazine

4300 résultat(s) trouvé(s)

Le projet Silenseas associe des Brestois et des Nantais pour inventer une voile rigide, grâce aux modélisations mathématiques.

Equipés de voiles rigides en matériau composite1, les navires pourraient réduire leur consommation de carburant de 20 à 70 % selon l’usage. C’est l’estimation du projet Silenseas2. Porté par les Chantiers de l’Atlantique à Nantes, il conçoit ces voiles particulières appelées Solidsail3. « Notre objectif est d’installer des voiles rigides de grande surface sur des navires de croisière, afin de limiter leur consommation en carburant et l’émission de gaz à effet de serre », explique Alain Nême, chercheur en mécanique à l’Ensta Bretagne de Brest, le centre de recherche partenaire du projet. À l’inverse d'une  voile classique tissée, la Solidsail est une voile4 formée de plusieurs panneaux rigides qui s’articulent entre eux. La voilure peut être diminuée rapidement en cas de vent fort. Elle se plie comme un accordéon.

Éviter les dégâts

Depuis novembre 2018, Alain Nême et d’autres scientifiques contribuent à la conception de ces voiles, via des ana-lyses de dimensionnement et de performance vélique. « Nous commençons par effectuer des calculs simples avec peu de ressources informatiques pour savoir si la matière de la voile résiste », éclaire-t-il. Les chercheurs réalisent ensuite des calculs poussés incluant plusieurs paramètres. L’objectif est de modéliser les contraintes subies par les voiles en fonction des variations de vents.

Sous l’action du vent, la voile se déforme. Cela affecte l’écoulement5 de
l'air : la répartition et l’intensité des charges aérodynamiques sur la voilure sont modifiées. Et tous les paramètres de la modélisation changent. « Il faut alors inté-grer la nouvelle déformation de la voile dans le modèle, et ainsi de suite jusqu’à ce que les résultats convergent vers un état d’équilibre », souligne le chercheur. Cette technique, appelée bouclage Interaction fluide structure (IFS), est capitale pour prédire la résistance des voiles au vent et éviter d’importants dégâts. Ces simulations numériques sont un travail de longue haleine. Les temps de calcul sont chronophages même sur des machines à 40 cœurs6.

Des navires bientôt équipés

Les scientifiques ont comparé les modélisations à des essais réalisés sur une Solidsail de 15 m de haut et de 50 m², installée sur la digue de Pornichet (Loire-Atlantique). Les résultats sont encourageants. D’autres tests ont été effectués l’an dernier sur un paquebot avec un prototype de voile de 300 m².

À l’horizon 2023, des navires de croisière MSC dotés de ces voiles rigides devraient être mis à l’eau. « L’objectif est d’étendre cette innovation à d’autres bateaux : porte-conteneurs, pétroliers et gros navires transporteurs de marchan-dises », conclut Alain Nême.

PAULE-ÉMILIE RUY

1. Association de matériaux d'une très grande résistance.
2. Projet Ademe Investissements d’avenir véhicules du futur.
3. Concept breveté par STX France.
4. Entre 75 et 125 kg pour 50 m².
5. Mouvement d’un fluide sur une surface.
6. Un ordinateur portable standard a quatre cœurs (constitutifs du processeur, ils permettent l’exécution des programmes).

TOUT LE DOSSIER

Abonnez-vous à la newsletter
du magazine Sciences Ouest

Suivez Sciences Ouest