Comment a-t-on compris le Soleil ?
Carte blanche
Au fil des siècles, les scientifiques ont compris les mécanismes physiques à l’œuvre dans le Soleil et les étoiles. En 1610, Galilée publie le compte rendu de ses observations du ciel à la lunette dans un livre intitulé Le message céleste. Il y relate que la surface lunaire est déformée par des montagnes, en contradiction avec la doctrine de l’époque. Galilée interprète cette similarité entre la Lune et la Terre comme une trace de l’identité des lois terrestres et des lois célestes.
Plus tard, Isaac Newton (1643–1727) propose une théorie de la gravitation, qu’il qualifie d’universelle. En démontrant par le calcul les trois lois du mouvement planétaire, découvertes empiriquement par l’astronome Johannes Kepler (1571–1630), il valide son hypothèse. Mais qu’en est-il de l’intérieur des étoiles, ou des régions sur lesquelles nous n’avons aucune information directe ?
Des lois physiques pour comprendre les étoiles
C’est Arthur Eddington (1882–1944) qui forge l’essence de l’astrophysique théorique moderne, en soutenant que l’on doit utiliser sans hésiter les lois physiques découvertes et confirmées sur Terre pour comprendre les étoiles : « Il y a des lois physiques si fondamentales qu’il ne faut pas hésiter à les appliquer même dans les conditions les plus extrêmes. » Faute de pouvoir franchir les distances gigantesques qui les séparent de leurs objets d’étude, les astrophysiciens doivent se contenter d’observer les phénomènes qui les intéressent depuis une position quasiment fixe dans l’espace et dans le temps. Ils ne captent du ciel qu’une information comptée, essentiellement sous forme de lumière, mais aussi de particules (rayons cosmiques et neutrinos) et, depuis 2015, d’ondes gravitationnelles. Ils cherchent à élaborer un modèle rendant compte des apparences célestes, en cohérence avec toutes les observations et avec la physique, construite sur la Terre, ici et maintenant.
L’origine de la chaleur solaire
Ce modèle explicatif doit aussi être prédictif ! C’est-à-dire capable de suggérer des phénomènes nouveaux qui, s’ils sont effectivement observés, élargiront son champ d’application. S’ils ne le sont pas, ils imposeront que le modèle soit amendé ou abandonné. C’est exactement la démarche que suit le physicien britannique William Thomson (1824–1907) quand il s’interroge sur l’origine de la chaleur solaire. Il envisage trois hypothèses : rayonnement sans source interne, énergie produite par combustion chimique ou par contraction gravitationnelle.
Il écarte les deux premières hypothèses, car elles ont des conséquences incompatibles avec les observations. Il conserve la troisième, car aucune de ses conséquences n’est prise en défaut. Cela ne signifie pas qu’elle est correcte, seulement qu’elle est la seule à rendre cohérentes les observations réalisées et la physique connue à l’époque. Cette dernière hypothèse sera ensuite écartée à son tour, car elle donne un âge trop faible à notre étoile. Il fallut attendre le début du 20e siècle pour réaliser que ce sont des réactions thermonucléaires qui ont permis au Soleil de briller depuis 4,5 milliards d’années.
Un travail collectif
Plus tard, la détection des neutrinos solaires et l’observation des oscillations solaires (l’héliosismologie) permettent ensuite de valider des mécanismes nucléaires à l’œuvre au sein de notre étoile, élaborés notamment par Eddington. La compréhension du Soleil fut un travail collectif et collaboratif. En discutant de leurs travaux, les scientifiques éliminent les hypothèses et les modèles inadéquats, au profit de ceux qui ont quelques pertinences à décrire les observations. Cela n’empêche pas de se fourvoyer, mais conduit immanquablement à la description la plus cohérente du réel. Ce qui définit les sciences n’est donc pas leurs objets d’étude, mais bel et bien la façon dont elles les étudient.
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