Les révélations des racines du blé
L'après-pesticides
Depuis deux ans, Claire Ricono se rend dans quarante champs de blé, au sud de Rennes.
Au printemps et en été, elle y cueille huit épis, entre le milieu du champ1 et sa bordure2. Elle prélève leurs racines et les nettoie au laboratoire Ecobio3, où elle prépare une thèse. Grâce à l'analyse de l'ADN4, l’écologue découvre et étudie les minuscules organismes qui vivent dans les racines.
Agriculture bio ou conventionnelle
Pourquoi se pencher sur ces racines ? Les deux encadrants de Claire Ricono sont les écologues Cendrine Mony et Philippe Vanden-koornhuyse, deux fins connaisseurs des micro-organismes qui vivent à l’intérieur des plantes. Des dizaines d’espèces de champignons, des centaines d’espèces de bactéries et bien d'autres organismes composent ce microbiote5 très riche, appelé l'endosphère6 racinaire. « La santé du blé, sa résistance aux pucerons, aux champignons et aux autres maladies, dépend de ce microbiote, explique les deux chercheurs. Avec cette thèse, nous voulons connaître l'effet des différentes pratiques agricoles, plus ou moins intensives, biologiques ou conventionnelles, sur le microbiote du blé. » Vaste programme ! Pour le réussir, Claire Ricono s'appuie aussi sur l'approche paysagère développée à Ecobio. Les chercheurs connaissent les relations entre un paysage rural, riche ou pauvre en biodiversité, en haies, en “mauvaises herbes” utiles, et la santé des plantes cultivées. La thèse, financée par la Fondation de France, veut mettre à jour les liens entre la santé d'un brin de blé et toute la vie microscopique alentour, vie parfois perturbée par des pesticides... ou par les champs voisins. L'étude fait partie du programme Agrim7, auquel collaborent d'autres scientifiques à Ecobio et à l'Inrae. Les premiers résultats seront publiés en décembre.
1. Ces champs font partie de l'observatoire scientifique ZA Armorique. Cinquante agriculteurs collaborent à l'étude.
2. Pour ces recherches sur le microbiote du blé, Claire Ricono a développé un protocole expérimental complexe, incluant l’échantillonnage des plants, à distance croissante de la bordure du champ et des haies.
3. Le laboratoire Écosystèmes, biodiversité, évolution est une composante de l'Osur (Université de Rennes 1, CNRS)
4. La technique utilisée est la génomique environnementale.
5. Lire p. 15.
6. La rhizosphère réunit quant à elle les micro-organismes à l'extérieur des racines.
7. Programme de l’Agence française pour la biodiversité.
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du magazine Sciences Ouest