Cet humanoïde fait parler les autistes
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À Nantes, quarante personnes souffrant d’autisme ont suivi des ateliers avec un robot. Leur vie sociale en a été changée.
Regards, expression du visage, tonalité… Chaque conversation révèle une multitude de signaux. « Les personnes autistes ont du mal à les interpréter, explique Sophie Sakka, chercheuse en robotique à l’École centrale de Nantes. La difficulté à communiquer peut aller jusqu’à l'absence totale d'interaction avec le monde extérieur. »
Depuis les années 1990, des humanoïdes, dits compagnons, sont utilisés comme interlocuteurs pour amorcer un dialogue avec des autistes. Sans succès. « Le robot sollicite le patient, ce qui ne l’encourage pas à prendre des initiatives. L’humanoïde doit rester un outil pour le thérapeute et non venir le remplacer. »
Une pièce de théâtre avec des robots
Depuis 2014, Sophie Sakka teste une nouvelle approche : le robot extension. L’enfant qui souffre d’autisme écrit un message sur un clavier. Celui-ci est exprimé oralement par un robot humanoïde appelé Nao, comme une marionnette qu’il contrôle. Six adolescents, de 11 à 16 ans, ont débuté les ateliers du programme Rob’Autisme1. « Ils suivent vingt séances pendant un an, afin de construire ensemble une pièce de théâtre mettant en scène les robots. L’effet sur la vie sociale des enfants a été spectaculaire ! Cela semble durable. Certains ont pu débuter un parcours scolaire l’année suivante », détaille la chercheuse. Outre sa simplicité, ce dialogue offre un cadre sans jugement social. Cela apaise et réduit l’angoisse des adolescents.
Aujourd’hui, quarante personnes autistes ont suivi ce programme. Six nouvelles l’intègrent chaque année. « La thérapie, ce sont les ateliers. Le robot sert juste à l’accélérer. Au fur et à mesure, le patient prend confiance, il veut exprimer des phrases plus complexes. Programmer l’humanoïde est une contrainte qui pousse l’autiste à communiquer par lui-même. »
Alzheimer et la timidité maladive
La même expérience a été menée en 2018 avec six personnes âgées souffrant d’Alzheimer. Comme l’autisme, cette pathologie provoque des angoisses et un renfermement sur soi. « Grâce au robot, les patients sont redevenus maîtres de leurs actes, ils ont à nouveau créé une socialisation. Nous cherchons actuellement un centre à Nantes pour poursuivre l’expérience », ajoute Sophie Sakka. D’autres troubles cognitifs, comme la timidité maladive, pourraient bénéficier de ces ateliers avec un robot. « Nous menons aussi un projet d’enseignant-robot pour déterminer si un type d’élève est sensible à la présence d’un humanoïde. À Nantes, un bar avec des barmans robotiques pourrait aussi voir le jour. » Un robot humanoïde peut faciliter les conversations du quotidien, pour ceux qui en ressentent le besoin. C’est un robot social !
1. Partenaires : l’association Robots !, le centre culturel Stereolux, le CHU et l’École centrale de Nantes.
Sophie Sakka
sophie.sakka@ec-nantes.fr
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du magazine Sciences Ouest