Dans le ventre, la clé du sommeil ?

Comment bien dormir ?

N° 395 - Publié le 27 décembre 2021
ANTOINE BORZEIX
Spécialiste du microbiote, Geneviève Héry-Arnaud passe en revue les liens avec le sommeil.

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À travers le monde, plusieurs scientifiques s’intéressent au rôle de la flore intestinale sur le sommeil : des liens existent mais émergent timidement.

Les bienfaits du microbiote intestinal sur la santé ne sont plus à prouver. L’équilibre des virus, bactéries et champignons qui le constituent protège de nombreuses maladies chroniques ou de certains troubles mentaux. En novembre 2020, des chercheurs japonais ont même dévoilé1 l’existence d’un lien entre la flore intestinale et la régulation du sommeil chez les souris.
« Mais attention à ne pas extrapoler trop rapidement à la santé humaine ces résultats », prévient la microbiologiste brestoise2 Geneviève Héry-Arnaud qui est extérieure à l’étude.

Taux de sérotonine

Plus précisément, les scientifiques nippons ont dépourvu des souris de leur microbiote intestinal grâce à des antibiotiques. Après quatre semaines de traitement, les cobayes présentaient des taux de sérotonine moindres que les souris témoins et avaient des phases de sommeil perturbées. En temps normal, plusieurs micro-organismes retrouvés dans l’intestin produisent la sérotonine à partir du tryptophane : un acide aminé présent dans de nombreux aliments. Sans microbiote, la production de sérotonine est donc bloquée. Or, cette hormone s’avère cruciale dans la régulation de l’horloge interne. Ainsi, la flore intestinale jouerait un rôle pivot dans le maintien des différentes étapes du sommeil chez les souris.

Chez l’être humain cette fois-ci, et au Japon encore, des biologistes ont tenté de montrer3 les effets antistress d’un postbiotique4 composé de Lactobacillus gasseri5. Pour cela, ils ont prescrit quotidiennement cette bactérie sous sa forme inactivée à 21 hommes et 11 femmes étudiants en médecine pendant 5 semaines. De manière surprenante, la prise du postbiotique a raccourci le temps d’endormissement et a augmenté la durée du sommeil chez les hommes seulement. « Cette recherche a été menée sur un petit groupe d’individus et les résultats doivent encore être confirmés avec une cohorte de réplication6 à plus large échelle », commente Geneviève Héry-Arnaud.

Une étude américaine7 a quant à elle démontré chez 40 sujets que ceux qui possédaient un microbiote intestinal peu diversifié présentaient un sommeil de mauvaise qualité, à la différence des sujets ayant une flore équilibrée. Reste que ces données s’avèrent subtiles à interpréter car il n’existe pas de liens clairs de cause à effet : est-ce la faible diversité du microbiote qui est responsable d’un mauvais sommeil ou l’inverse ?

Alimentation diversifiée

Une chose est sûre, une bonne alimentation abaisse le niveau d’inflammation général qui peut avoir un effet négatif sur le sommeil. « Les études manquent, mais tout un faisceau d’arguments indique que le maintien de la biodiversité de la flore intestinale grâce à une alimentation diversifiée est fondamental pour la santé. » Qui sait, la prise de pro et postbiotiques offrira un jour peut-être une piste non médicamenteuse pour soigner les troubles du sommeil ?

PAULE-ÉMILIE RUY

1. Dans une publication parue dans Nature.
2. Au CHRU de Brest.
3. Dans une étude parue dans Journal applied of microbiology en 2017.
4. Préparation de micro-organismes inanimés et/ou de leurs composants conférant un bénéfice pour la santé de l'hôte.
5. Une bactérie du microbiote intestinal d’individus sains.
6. Étape cruciale pour considérer un résultat pour acquis en médecine.
7. Publiée dans Plos one en 2019.

Geneviève Héry-Arnaud
genevieve.hery-arnaud@univ-brest.fr

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