Complotisme, de la croyance à la posture

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N° 406 - Publié le 31 janvier 2023
ADOBE STOCK / GRAPHICDESIGN CARBONNIER

Dans un récent sondage, l’Ifop a tenté de mesurer la porosité des jeunes aux contrevérités scientifiques. Mais si les chiffres révèlent une tendance à la défiance vis-à-vis de la science, ils sont à prendre avec précaution.

19 % des 18-24 ans pensent qu’à l’époque antique, les pyramides ont été bâties par des extraterrestres et 26 % sont d’accord pour dire que le massacre de civils à Boutcha était une mise en scène des autorités ukrainiennes. Début janvier, l’Ifop1 a publié les résultats d’un sondage sur la mésinformation des jeunes et leur rapport à la science et au paranormal à l’heure des réseaux sociaux. L’étude2, réalisée pour les fondations Reboot et Jean Jaurès, met en avant des chiffres impressionnants.

Il est toutefois important de bien garder en tête que « déclarer être d’accord avec une affirmation ne veut pas dire que l’on y croit », nuance Sylvain Delouvée, maître de conférences en psychologie sociale à l’Université Rennes 2. Ces positionnements peuvent en effet s’expliquer par une volonté de provoquer ou encore d’affirmer son appartenance à un groupe.

La science attaquée

« Depuis le Covid, nous sommes passés d’un complotisme de croyance, défendu par des gens convaincus, à un complotisme de posture », remarque ce spécialiste des croyances collectives. En clair, en adhérant à une contrevérité, comme le fait que la chloroquine est un traitement efficace contre le Coronavirus3, les répondants affirment moins leur connaissance sur le sujet que leur opposition au gouvernement.

Et au passage, c’est la science qui est attaquée. De la politique aux médias en passant par la religion, beaucoup d’institutions font face à une défiance de plus en plus grande. « La chute du communisme a marqué la fin des grandes idéologies qui structuraient le monde, mais nous avons tous besoin de nous rattacher à des valeurs un peu plus larges, analyse Sylvain Delouvée. Donc quand les piliers sur lesquels on fonde nos comportements et nos attitudes disparaissent, on en cherche d’autres. » Or, la science pose souvent plus de questions qu’elle ne propose de réponses, comme l’a montré la crise du Covid, avec des spécialistes parfois incapables de donner des explications sur les plateaux TV. « Cela a érodé la confiance du public, qui sacralisait un peu le savoir à travers une image d’Épinal du scientifique », poursuit le chercheur.

Des conséquences variables

Le sondage de l’Ifop s’intéresse également aux réseaux sociaux, particulièrement utilisés par les adolescents. Ces plateformes facilitent et accélèrent la diffusion de contre-discours, dont la dangerosité varie selon la sincérité de la revendication et les conséquences qu’ils entraînent. « Dire que la Terre est plate n’a pas trop d’effet, illustre ainsi Sylvain Delouvée. En revanche, raconter que le gouvernement essaie d’enrichir avec les vaccins des laboratoires détenus par des Juifs, peut engendrer de l’antisémitisme et un recul de la vaccination, donc une résurgence de maladies disparues », conclut le chercheur, pour qui la solution passe notamment par un meilleur encadrement des réseaux sociaux par l’État et une sensibilisation à la méthode scientifique à l’école.

VIOLETTE VAULOUP

1. Institut français d'opinion publique.
2. Via un questionnaire en ligne, du 28 octobre au 7 novembre 2022, auprès d’un échantillon de 2003 jeunes représentatif de la population âgée de 11 à 24 ans vivant en France.
3. Selon l’Ifop 25 % des 18-24 ans se rangent derrière cette opinion.

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