Quand l’usage d’internet révèle une vulnérabilité psychologique
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L’utilisation compulsive d’internet serait le signe d’une vulnérabilité psychologique. C’est ce que révèle une étude publiée début janvier, co-signée par Séverine Erhel, chercheuse en psychologie cognitive à l’Université Rennes 2.
À quel moment les usages numériques peuvent-ils devenir problématiques ?
On parle d’utilisation problématique d’internet (UPI) lorsqu’elle est excessive et compulsive. Elle pousse l’individu à se reconnecter en continu, ce qui a des incidences sur sa vie quotidienne. Cela entraîne souvent de la culpabilité chez l’utilisateur, des conflits avec l’entourage voire des problèmes professionnels ou, chez les ados, de scolarité.
Pour cette recherche, nous avons étendu au-delà des réseaux sociaux en définissant plusieurs activités numériques, telles que le shopping, le streaming, les news, le cybersexe ou encore les jeux d’argent. Nous avons rejeté le postulat que les activités en ligne seraient la source des UPI. Au contraire, nous avons questionné l’utilisation d’internet comme une distraction pour mieux gérer les émotions négatives. Les UPI seraient alors la conséquence de ce mal-être.
Difficile d’être derrière l’écran des utilisateurs pour connaître leurs usages. Quelle a été votre méthode ?
Nous avons soumis des questionnaires à 1 504 volontaires âgés de 15 ans et plus, afin de chercher une éventuelle corrélation entre les vulnérabilités psychologiques, les caractéristiques sociodémographiques (genre, âge, revenu, niveau d'études) et les usages problématiques d’internet. L’idée était de tester quatre états psychologiques pour déterminer les facteurs qui pourraient prédire une UPI : l’anxiété, la peur de manquer quelque chose (aussi appelée Fomo pour « fear of missing out » en anglais), le stress et le flow qui correspond à un état d’attention très intense pendant une activité qui empêche de décrocher.
Dans le résumé de l’article scientifique, vous indiquez avoir eu des surprises…
Oui ! Un premier résultat pointe que l’essentiel des usages problématiques sont corrélés à des facteurs psychologiques, donc, contrairement à ce que l’on entend souvent, le niveau d’études n’a pas d’influence ! Deuxième surprise, le flow et l’anxiété ne sont pas de très bons prédicteurs. En revanche, le stress lié à un événement, comme un examen, est fortement corrélé aux UPI, car l’individu développe des comportements d’évitement en se plongeant de manière intensive dans une activité en ligne.
Enfin, nous montrons que les personnes sensibles au Fomo sont particulièrement vulnérables. On suppose que les plateformes jouent sur cette peur avec les notifications et les contenus qui s’effacent au bout de vingt-quatre heures... incitant à rester connecté. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’internet n’est pas le seul responsable : son utilisation dérégulée n’est que le symptôme d’une vulnérabilité psychologique qui existe déjà chez l’utilisateur.
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