Des meringues pour mieux comprendre la recherche

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N° 425 - Publié le 24 décembre 2024
© CONSTANT VINATIER / FLORIAN NAUDET
La vente des meringues a permis d'échanger sur la reproductibilité de la recherche.

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Afin d’expliquer leurs recherches au grand public, deux chercheurs rennais ont demandé à des volontaires de cuisiner des meringues. Une analogie surprenante mais efficace, entre cuisine et sciences.

L’an dernier, Florian Naudet et Constant Vinatier ont demandé à 60 volontaires de cuisiner 900 meringues. Ils ne sont ni fous ni pâtissiers, mais chercheurs. Et ils sont revenus sur cette expérience avec un article publié dans la revue PLOS Biology mi-décembre. « On fait de la recherche sur la recherche, tout l’enjeu est de comprendre comment elle se fait pour mieux la faire », explique Florian Naudet, professeur de thérapeutique à l’Université de Rennes. Et pour cela, il s’intéresse notamment à la reproductibilité, une notion qui se divise en trois axes : « C’est le fait de pouvoir reproduire la méthode, les résultats et les conclusions d’un travail scientifique », note Constant Vinatier, doctorant en épidémiologie, analyse de risque et recherche clinique à l’Irset1, à Rennes.

L'outil parfait

Sensibiliser les citoyens aux complexités de la reproductibilité est un élément clé pour un regard plus nuancé sur le monde de la recherche, mais risque d’exacerber une forme de scepticisme à l’égard des sciences. Alors, il a fallu trouver le bon moyen d’aborder la question. « Les meringues sont l’outil parfait parce qu’une recette c’est comme une expérimentation scientifique, souligne Florian Naudet. De la température de la pièce à la durée de battage des œufs, il y a plein de choses non écrites que l’on fait ou pas et qui jouent sur le résultat : ce sont les degrés de liberté. »

Ils ont donc demandé à deux groupes de 30 personnes de réaliser des meringues. Le premier suivait une recette classique et le second un protocole amélioré sur les conseils d’un pâtissier, un schéma plus détaillé qui devait réduire ces degrés de liberté. « Mais à la fin, il n’y a pas eu de différence entre les meringues », constate Constant Vinatier. Les pâtisseries ont ensuite été vendues aux Champs Libres, à Rennes, ce qui a permis d’échanger avec les visiteurs sur la reproductibilité. Car en cuisine comme en recherche, il arrive qu’il soit impossible de reproduire un résultat. « Ce n’est pas forcément négatif, tant de paramètres entrent en compte qu’il est difficile de reproduire les conditions exactes », relativise Florian Naudet.

Prendre en compte les échecs


Plus que les résultats, c’est d’ailleurs la manière dont on en parle qui importe. « Beaucoup de scientifiques ne communiquent pas si leurs conclusions ne correspondent pas à leurs attentes : ainsi la moitié des essais thérapeutiques d’antidépresseurs ne sont pas publiés, illustre le chercheur, or il faut prendre en compte les échecs pour avoir une vision réaliste. » Sans compter que l’écosystème de la recherche favorise la découverte plutôt que la reproductibilité. « Certaines choses ne sont pas suffisamment vérifiées, un résultat scientifique est valide quand il a été reproduit par d’autres », insiste Florian Naudet, qui veut « donner au public les outils pour construire un regard nuancé et critique sur le monde de la recherche ».

Violette Vauloup

1. Institut de recherche en santé, environnement et travail.

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