La sensibilité face au monde marin

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N° 425 - Publié le 24 décembre 2024
© JEAN-FRANÇOIS LE BESCOND / L'OEIL DE PACO

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Si vous aviez le choix entre sauver un ours polaire ou une méduse, qui protégeriez-vous en priorité ? À Océanopolis, un jeu sérieux permet au jeune public de mieux comprendre nos émotions envers les animaux marins.

Tiphaine Birien, médiatrice scientifique, nous emmène au cœur de la nouvelle Cité des Océanautes d’Océanopolis, à Brest, pour nous faire découvrir un jeu sérieux pédagogique consacré aux émotions ressenties face à la biodiversité marine. « On souhaite faire de la science participative avec nos jeunes visiteurs ; ce jeu leur donne la parole et les rend acteurs », présente la co-créatrice de la Cité.

Pour construire le dispositif, deux chercheuses en psychologie ont travaillé sur le projet de recherche Compateer1 en se basant sur une étude récente s’intéressant au développement de nos émotions à l’égard des espèces. Elle y distingue l’empathie de la compassion : « Si je prête des émotions à une espèce, je suis plus empathique envers elle et si je préfère sauver une espèce plutôt qu’une autre, alors je ressens davantage de compassion pour elle », explique Nathalie Marec-Breton, professeure des universités en psychologie du développement et de l’éducation à l’Université Rennes 2.

Lien de parenté


Cette étude a permis d’identifier chez l’adulte une relation forte entre la proximité évolutive des espèces et les degrés d’empathie et de compassion. Ainsi, plus notre lien de parenté avec une espèce2 est fort, plus nous ressentons ces sentiments pour elle. Nous souhaitons donc davantage protéger un ours polaire, qui est un mammifère comme nous, qu’une méduse. « Plus les espèces sont éloignées de nous sur l’arbre du vivant, moins on a envie de les protéger », résume donc Nathalie Marec-Breton.

Mais qu’en est-il chez les enfants ? « Pour les sensibiliser à l’environnement, il est préférable de jouer sur l’émotion, la dimension sensible, plutôt que sur l’angle de la connaissance », indique Nathalie Bonneton-Botté, professeure des universités en psychologie du développement et de l’éducation au LP3C3 à l’UBO4. Ainsi, deux questions sont pertinentes à poser à ce public : de quel animal te sens-tu le plus proche et qui veux-tu protéger ? Dans le cadre du jeu sérieux mis en place à Océanopolis, vingt animaux représentatifs de la biodiversité marine ont été sélectionnés, dont l’oursin, la méduse, l’éponge et le macareux. 

Un quiz interactif


Le jeu, qui prend la forme d’un quiz interactif sur tablette numérique, comprend dix questions faisant appel à l’empathie et dix autres à la compassion. À partir de deux photos d’animaux, le jeune visiteur doit sélectionner l’espèce dont il se sent le plus proche émotionnellement, puis celle qu’il veut protéger en priorité. 

Les résultats dépendent de nombreux facteurs. Un questionnaire est rempli avant toute session de jeu afin de récolter des informations précieuses pour les chercheuses : l’âge de l’enfant, sa connaissance de la biodiversité, la possession d’un animal de compagnie ou encore sa proximité à la mer. « L’écosystème marin est peu visible par rapport au milieu terrestre, nous souhaitons concevoir un dispositif qui permette de mieux considérer sa biodiversité », confie Nathalie Bonneton-Botté. 

Une classe d’élèves de primaire de Brest a déjà testé le jeu et dans quelques semaines plusieurs groupes d’enfants pourront bientôt réaliser le quiz avant ou après leur visite à Océanopolis. Les scientifiques devraient ainsi savoir si cette sensibilisation modifie leur perception du milieu marin. Plus généralement, ces questionnements sur l’empathie et la compassion sont de plus en plus présents à l’école. La notion de bien-être animal a ainsi fait son apparition dans le programme scolaire de septembre 2024. « On peut se sentir plus proche d’un animal qui nous ressemble, sourit Tiphaine Birien. Mais notre compassion envers une espèce peut changer, plus on la connaît, plus on a envie de la protéger. »

Fabio Perruchet

1. Pour développement de la compassion à l’égard du patrimoine marin et éducation à l’environnement en région Bretagne.
2. La relation phylogénétique est mise en évidence par la présence de caractères dérivant d'un ancêtre commun.
3. Laboratoire de psychologie : cognition, comportement, communication.
4. Université de Bretagne Occidentale.

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