Le cancer du sein, un illustre inconnu
Cancers, de la cellule déréglée à la maladie
Malgré des campagnes de prévention et de dépistage permettant une meilleure prise en charge, il reste en grande partie incompris des scientifiques.
C’est à la fois le plus fréquent et le plus meurtrier pour les femmes. Chaque année en France, environ 60 000 nouveaux cas de cancer du sein sont détectés et 12 000 décès lui sont imputables. Malgré un effort d’information, de dépistage et de recherche très conséquent en France, en grande partie lié à la prévalence de la maladie, elle reste largement méconnue du grand public et des scientifiques. Il n’existe d’ailleurs pas un, mais plusieurs cancers du sein. « Cette appellation ne désigne rien de plus que l’endroit dans lequel il se trouve, établit Fanny Le Du, oncologue sénologue au Centre Eugène Marquis, à Rennes. Cela aide à l’imagerie et au diagnostic mais ne dit rien sur le comportement de la maladie. » Ainsi, ni la palpation ni la mammographie, les méthodes classiques de détection, ne peuvent renseigner sur son type. « C’est la biopsie, l’analyse d’un échantillon de la tumeur, qui permet de savoir comment la traiter. »
Difficiles à détecter
L’une des particularités des cancers du sein, c’est qu’il n’existe pas de raison principale pour justifier leur apparition, comme le tabac pour les cancers du poumon ou les rayons UV du Soleil pour les mélanomes1. « Nous pensons qu’ils sont déclenchés par la combinaison de plusieurs causes, et nous en sous-estimons probablement encore beaucoup, précise la scientifique. L’exposition aux perturbateurs endocriniens nous inquiète de plus en plus, tout comme la qualité de l’alimentation et certains facteurs génétiques. Récemment, il a été démontré que la pollution est un facteur de risque plus que significatif dans la survenue de cette maladie. » Ce qui rend particulièrement compliquée la mise en place de programmes de prévention efficaces et l’identification des personnes à risques. Si elle se soigne de mieux en mieux2, de grandes disparités existent toutefois en fonction du type de la maladie et de son stade lors de la détection, et elle représente toujours 14 % des décès féminins dus au cancer3. Mais contrairement aux idées reçues, les hommes aussi peuvent être touchés. « Tout le monde possède une glande mammaire, et il y a donc un risque de carcinogénèse4 », souligne Fanny Le Du. Bien plus rare (environ 1 % des cas), le cancer du sein masculin est aussi plus tabou, et son pronostic souvent moins favorable.
En hausse chez les jeunes
Les cancers du sein évoluent, posant de nouveaux défis aux médecins et aux scientifiques. Il s’agit par exemple d’expliquer la hausse de leur fréquence chez les jeunes françaises ces dernières années, tandis que l’âge moyen de détection est de 64 ans. « Alors qu’en termes de contrôle de la maladie et d’accès au traitement, nous sommes parmi les meilleurs d’Europe, quand on compare nos chiffres avec ceux de l’Allemagne ou de la Belgique5, ils sont plus élevés chez les jeunes. Pour l’instant, il n’y a pas d’explication claire », expose la cancérologue. Elle rappelle au passage que tout l’intérêt du dépistage réside dans l’identification la plus précoce possible de la maladie, permettant ainsi de la soigner au mieux : « Plus on agit rapidement, plus le pronostic est encourageant ».
1. Cancers de la peau ou des muqueuses.
2. 88 % de survie nette à cinq ans (soit les chances de survie à cinq ans) standardisées sur l’âge, pour les femmes diagnostiquées entre 2010 et 2015.
3. Données de l’Institut national du cancer, en 2018.
4. Processus de formation d’un cancer.
5. Des pays ayant un mode de vie comparable au nôtre.
TOUT LE DOSSIER
du magazine Sciences Ouest