Ils datent des minéraux grâce à la lumière
Actualité

Pour estimer la date d’enfouissement de minéraux parfois vieux de plusieurs centaines de milliers d’années, des scientifiques utilisent une technique basée sur la lumière. Une méthode aux applications variées, de l’archéologie à la géographie.
Au sous-sol du bâtiment n° 15 du campus de Beaulieu, à Rennes, s’empilent des échantillons de terre soigneusement abrités de la lumière. Certains n’y ont pas été exposés depuis des centaines de milliers d’années. C’est d’ailleurs pour estimer leur date d’enfouissement qu’ils ont été acheminés ici, au Centre rennais de datation par luminescence, géré par Guillaume Guérin, chercheur en archéologie préhistorique au laboratoire Géosciences Rennes.
Quartz et feldspath
« La datation par luminescence stimulée optiquement (OSL) permet de mesurer le temps qui s’est écoulé depuis la dernière exposition à la lumière ou la chaleur des deux minéraux les plus abondants sur Terre : le quartz et le feldspath », précise-t-il. Imaginée au milieu du 20e siècle, la méthode se développe surtout depuis les années 2000, révolutionnant l’étude de sites anciens. Son principe physique est lié au comportement des grains de feldspath et de quartz, des cristaux incluant naturellement quelques impuretés. « Sous l’effet de la radioactivité du sol1, ces dernières agissent comme des pièges à électrons », note Guillaume Guérin.
Mais en cas d’exposition à la lumière ou la chaleur, ces particules se libèrent, émettant un signal lumineux invisible à l’œil nu : la luminescence. La datation OSL consiste à mesurer son intensité, qui reflète la quantité d’électrons stockée, en projetant une lumière sur les minéraux, ce qui provoque la libération des électrons. « Mais tous les grains ne se remplissent pas à la même vitesse, plus le sol est radioactif, plus les pièges à électrons se chargent vite », explique le chercheur. Il faut donc mesurer la radioactivité ambiante de l’échantillon. C’est le ratio entre la quantité d’électrons stockée et la vitesse à laquelle elle s’est accumulée qui permet d’estimer la date d’enfouissement du sédiment.
Grande portée chronologique
Du prélèvement sur le terrain aux manipulations en laboratoire, toutes les étapes du processus ont lieu dans l’obscurité ou sous une lumière orangée, la seule qui n’active pas la libération des électrons. « On échantillonne de nuit ou sous une bâche », indique Hugues Malservet, ingénieur en datation OSL à Géosciences Rennes. « Et comme il y a du quartz et du feldspath partout, ça fonctionne pour tous les territoires. »
Avec sa portée chronologique bien plus grande que le carbone 14, la datation OSL trouve également des applications dans des contextes variés2. « En géomorphologie, observer les mouvements de sédiments permet de reconstituer l’évolution du paysage. Et en archéologie, elle sert surtout à dater les couches de sol qui contiennent des vestiges », illustre Guillaume Guérin, qui travaille actuellement sur un projet de datation de mégalithes, dont la base, enfouie dans le sol, n’a pas vu le jour depuis des millénaires…
1. La radioactivité est d’abord un phénomène naturel, le sol renferme des atomes radioactifs.
2. La datation OSL a une portée de plusieurs centaines de milliers d’années. La datation au carbone 14 ne permet, elle, de remonter qu’à environ 40 000 ans.
TOUTES LES ACTUALITÉS
du magazine Sciences Ouest