Au cinéma, la cigarette à bout de souffle ?

Le tabac : de la graine au mégot

N° 418 - Publié le 28 mars 2024
© WARNER BROS

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« Humphrey Bogart sans cigarette, ce n’est pas Humphrey Bogart », tranche Jean-Marc Lehu. Pour ce professeur de marketing à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, cela ne fait aucun doute : l’industrie du tabac est celle « qui a le plus utilisé les célébrités dans le but de déculpabiliser les consommateurs. » La cigarette est d’ailleurs sans doute l’objet le plus filmé depuis les débuts du cinéma.

Mais selon qui fume, ce n’est pas la même histoire que l’on raconte. « Au début d’Hollywood, c’est un accessoire du glamour et un signe d’émancipation pour les femmes, alors que chez l’homme le tabac renvoie à la virilité, analyse Roxane Hamery, professeure en études cinématographiques à l’Université Rennes 2. Plus tard, avec la Nouvelle Vague, la cigarette devient davantage un indicateur générationnel associé à la jeunesse qu’un marqueur sexualisant. »

Contourner la législation


Car le cinéma permet de typer l’image d’un produit en l’associant à certaines valeurs. « À l’origine, Marlboro était une cigarette créée pour les femmes. C’est pour élargir ses ventes que la marque a profité du mythe du cow-boy », illustre Jean-Marc Lehu. On observe en outre que les premiers contrats pour placer des cigarettes dans les films coïncident avec un durcissement de la législation de certains pays, comme avec la loi Evin1 en France. Si aujourd’hui peu de cinéastes montrent ostensiblement des marques de tabac à l’écran, la cigarette, elle, ne disparaîtra pas, car c’est avant tout « un objet culturel et statutaire qui ancre des personnages et un contexte », souffle Jean-Marc Lehu.

Violette Vauloup

1. Cette loi entrée en vigueur en 1992 a notamment interdit la publicité pour le tabac et l'alcool.

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