Sonder la plaine abyssale

N° 251 - Publié le 17 décembre 2014
© B. Ollivier - IPEV
Pour réaliser leurs mesures au large des Kerguelen, les scientifiques de l’Ifremer ont parfois dû affronter des conditions extrêmes à bord du Marion Dufresne.

Magazine

4300 résultat(s) trouvé(s)

Grâce aux satellites ou sondages acoustiques, les cartes marines modernes font avancer la connaissance et les lois.

Le 3 janvier 2008, une équipe du centre Ifremer de Brest embarquait à bord du Marion Dufresne, depuis La Réunion, en direction des îles Kerguelen. Son objectif ? Repérer, aux abords de ce territoire français proche de l’Antarctique, le talus continental, la grande pente qui marque la rupture entre le plateau continental (vers la côte) et les plaines abyssales. « Aux Kerguelen, ce travail est compliqué car le talus n’est pas régulier, il faut faire des mesures depuis le plateau jusqu’aux grands fonds, cela représente une multitude d’allers et retours en bateau, dans des conditions de navigation parfois difficiles », précise Walter Roest(1), responsable à l’Ifremer du projet qui a motivé ces mesures, baptisé Extraplac. « Nous utilisons des sondeurs acoustiques embarqués sur le navire. Le plus simple envoie un signal acoustique vertical qui rebondit sur le fond et revient vers le navire. Nous mesurons le temps mis pour faire l’aller-retour : de moins d’une seconde sur le plateau à une dizaine de secondes au large, sur la plaine abyssale. Un logiciel en déduit la profondeur et éventuellement la nature du sol. Cette méthode existe depuis près de cent ans, mais depuis trente ans nous disposons de sondeurs multifaisceaux. Ils envoient des ondes acoustiques dans plusieurs directions, ce qui permet de recueillir des informations plus précises et sur une large bande du fond en un seul passage. »

Une goutte d’eau dans l’océan

Le projet Extraplac, auquel collaborent également le Service hydrographique et océanographique de la marine (Shom), l’Institut français du pétrole et l’Institut polaire Paul-Émile-Victor, répond à une convention internationale sur l’extension du plateau continental juridique. C’est-à-dire la zone maritime qu’un pays est en droit d’exploiter, au-delà des 200 miles des Zones exclusives économiques (ZEE) actuelles. De tels projets permettent d’organiser des campagnes de mesures particulièrement onéreuses : un mois en mer représente un coût d’un million d’euros. Pas étonnant dès lors que les fonds marins restent en grande partie mystérieux.
En effet, c’est un espace encore méconnu des scientifiques, sombre et difficile d’accès. À ce jour, à peine 1% des fonds océaniques a été cartographié précisément. Quelques confettis sur les plus de 360 millions de km² de la planète recouverts d’eau salée. Depuis le ciel, les satellites d’observation donnent un premier aperçu du profil de la Terre, sur et sous l’eau. Quinze jours suffisent à en faire le tour. Mais les méthodes de morpho-bathymétrie - mesure du relief sous-marin -, employées par l’Ifremer et le Shom, offrent une résolution jusqu’à 400 fois plus précise. Mais la précision demande du temps : avec les outils actuels, il faudrait encore quatre à cinq siècles pour cartographier l’ensemble des terres sous-marines !

Mettre les échelles à zéro

Pour mesurer un relief, il faut un point de départ, une “altitude zéro”. Sur terre, c’est le niveau moyen des mers au port de Marseille. Les Monts d’Arrée culminent à 385 m au-dessus de ce zéro. Mais en mer, cette référence change. Pour la sécurité des marins, les cartes sont établies à partir du niveau de plus basse mer astronomique, à savoir la plus faible hauteur d’eau possible lors d’une marée de coefficient maximal. Or cette hauteur varie selon le lieu où l’on se trouve. C’est pourquoi le Service hydrographique et océanographique de la marine (Shom) met actuellement en place une correspondance entre ce zéro hydrographique variable et une référence internationale unique et immuable : le système de coordonnées sur lequel se basent, entre autres, les GPS actuels. Grâce à ces références nouvelles, les hydrographes n’auront plus à mesurer la marée et pourront acquérir des données plus simplement.

Céline Duguey

(1)Walter Roest en conférence à l’Espace des sciences le 26 février 

Walter Roest
Tél. 02 98 22 42 68
walter.roest [at] ifremer.fr (walter[dot]roest[at]ifremer[dot]fr)

TOUT LE DOSSIER

Abonnez-vous à la newsletter
du magazine Sciences Ouest

Suivez Sciences Ouest