Aussi imparfaits que les vrais

N° 253 - Publié le 12 décembre 2014
© Semtram
Une application pour visualiser Brest avec son futur tramway et, surtout, pour se familiariser avec la circulation de demain.

Grâce à de l’intelligence artificielle, des voitures circulent toutes seules dans Brest.

La voiture avance, s’arrête au feu rouge, repart, en double une autre... Un véhicule qui circule dans un univers virtuel, c’est de l’intelligence artificielle. Il s’adapte, non plus seulement à la commande d’un utilisateur (interaction), mais aussi à son environnement.

Cette intelligence n’est bien sûr pas innée, mais programmée, comme pour les humains virtuels. Des informaticiens anticipent les situations et tous les comportements possibles : s’arrêter à un feu, franchir un carrefour... L’entreprise Cervval(1) (29) a développé un programme informatique qui reproduit le comportement d’automobilistes, jusque dans leurs imperfections. « Nous savons que certaines personnes ne regardent pas avant de s’engager ou ne repartent pas à la bonne vitesse, note Pierre-Antoine Beal. Alors, nous avons adapté nos programmes pour qu’ils soient plus proches de la réalité. »

Conduire dans Brest, demain

L’intérêt de faire circuler, intelligemment ces voitures dans le décor, n’est pas simplement esthétique. Il est aussi éducatif. En l’occurrence, Cervval a modélisé le trafic routier de Brest en prenant en compte le futur tramway de l’agglomération. L’objectif est de permettre aux habitants, depuis une borne interactive, de visualiser leur ville avec son nouveau mode de transport collectif et, surtout, de pouvoir simuler la conduite de leur voiture dans ce contexte. « Ils prennent la main sur un véhicule et se retrouvent au cœur de la circulation », explique Pierre-Antoine Beal, responsable du projet. Ils tiennent compte de la ligne de tramway, des modifications de circulation, du trafic et du comportement des autres automobilistes. Ils testent le réel de demain grâce au virtuel d’aujourd’hui. Et l’application doit également être développée pour les conducteurs du futur tramway qui pourront ainsi tester les procédures d’exploitation et se faire la main avant de prendre les commandes.

Tester des médicaments in virtuo

Utiliser la réalité virtuelle pour tester des médicaments. Cette idée, si elle est encore loin d’être réalisable, est développée par les chercheurs de l’équipe EBV (Écosystémique et biologie virtuelles) du Cerv(2), en collaboration avec des médecins du CHU de Brest. Ils ont, par exemple, reconstitué le mécanisme d’action d’un allergène injecté sous la peau. Le produit atteint des cellules spécialisées, appelées mastocytes. Celles-ci libèrent alors de l’histamine. Cette molécule provoque une dilatation des vaisseaux sanguins et fait apparaître un bouton.

« Cette réaction est déjà bien connue des médecins, explique Vincent Rodin, responsable de l’équipe EBV. L’intérêt, à long terme, est de tester in virtuo des molécules, par exemple des médicaments, pour ne réaliser ensuite, in vitro, que les expériences les plus pertinentes. » De telles expériences in virtuo ont déjà été menées en hématologie, où il a été possible de tester l’effet de médicaments sur des patients virtuels atteints d’hémophilie.

Chacune des études de l’équipe a un double objectif, informatique et biologique. L’objectif des chercheurs en informatique est de dépasser les contraintes techniques, de développer des modélisations de systèmes toujours plus complexes. Côté biologie, les programmes doivent encore être améliorés pour devenir de vrais outils d’expérimentation. « L’idéal serait qu’un doctorant en biologie travaille sur le sujet, et pas seulement des informaticiens, remarque Vincent Rodin, qui souligne aussi l’intérêt de la démarche in virtuo. La réalité virtuelle permet beaucoup d’interactions. Une seringue virtuelle peut injecter un produit, par exemple un allergène, à n’importe quel moment et à n’importe quel endroit. »

Alice VETTORETTI
Vincent Rodin
Tél. 02 98 05 89 50 / 02 98 01 83 81
vincent.rodin@univ-brest.fr
Michèle LE GOFF

(1)Cervval est une entreprise spécialisée dans la simulation numérique. Elle s’appuie sur les travaux de recherche du Centre européen de réalité virtuelle (Cerv) avec lequel elle est liée par un accord de coopération.
(2)Centre européen de réalité virtuelle.

Pierre-Antoine Beal
Tél. 02 98 05 89 49
beal [at] cervval.com (beal[at]cervval[dot]com)

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