Les porcs changent d’air

N° 266 - Publié le 6 novembre 2014
© Zoopôle Développement
Mesure de la qualité de l’air (teneur en ammoniac) dans un élevage de porcs.

Innover pour améliorer la qualité de l’air dans les élevages, cela joue sur l’animal, l’éleveur et l’environnement !

Viciée, contaminée, malodorante : les adjectifs caractérisant l’atmosphère régnant dans un élevage de porcs ne sont pas toujours très flatteurs... La filière compte bien redorer ce blason. « Assurer la qualité de l’air dans les élevages, c’est d’abord contribuer à la bonne santé des animaux, souligne François Madec, directeur de la “Filière porc” à l’Afssa(1) de Ploufragan. C’est aussi prendre en compte la santé des éleveurs et, surtout, produire des denrées alimentaires de qualité sans compromettre l’environnement. » Une considération de taille quand on sait que le grand Ouest fournit 70% de la viande porcine française.

Plus de 140 élevages audités

Comment permettre aux éleveurs d’améliorer la qualité de l’air dans leurs bâtiments ? D’abord en leur apportant des données concrètes. Avec l’étude menée par l’Afssa de Ploufragan, c’est chose faite. Débutée à l’été 2006, elle est le fruit de la collaboration de sept PME bretonnes spécialisées dans les équipements d’élevages. Parfois concurrentes, souvent complémentaires, ces entreprises ont mis en commun leurs moyens financiers et d’investigation. Entre fin 2006 et février 2008, 144 sites d’élevages ont été audités dans le grand Ouest. Plus de 200 000 données de qualité d’air ont été recueillies et une dizaine de facteurs discriminants retenus : des données de température, d’humidité, des indicateurs d’empoussièrement ou de sous-ventilation comme les taux d’ammoniac et de CO2.

D’autres travaux ont permis d’établir un lien entre les conditions d’aération et la pathologie respiratoire susceptible d’affecter les porcs. « Si les conditions ne sont pas satisfaisantes, les populations microbiennes peuvent se multiplier et entraîner des problèmes de santé chez les animaux, explique François Madec. En parallèle, cela peut avoir un impact sérieux sur leur croissance. »

Le premier élément influençant la qualité de l’air est la configuration du bâtiment : de grands compartiments augmentent le risque d’obtenir une qualité d’air détériorée, alors que l’entrée d’air indirecte semble être un élément protecteur, tout comme le maintien d’un espace suffisant entre la surface du lisier (sous le caillebotis) et les porcs. Vient ensuite la manière de conduire le bâtiment. L’attention portée par l’éleveur à la gestion de la ventilation a quasiment autant de poids que la configuration du bâtiment. Les résultats complets de l’étude seront restitués aux professionnels le 18 juin, à l’occasion d’une journée technique organisée par le zoopôle de Ploufragan. Pour l’instant, seules les PME ayant participé au projet collaboratif en ont eu la primeur. Depuis novembre 2008, elles cogitent. 

Des applications sur le terrain

Certaines ont déjà exploité les données et conçu de nouveaux concepts de bâtiments ou de nouvelles techniques pour la ventilation ou l’extraction des lisiers. C’est le cas de la société Sodalec, basée à Pacé (35) et spécialisée dans la fabrication de matériel électronique pour le contrôle des bâtiments d’élevages. « Nous avons enrichi notre gamme de deux appareils de ventilation plus perfectionnés, explique Fabrice Poisbeau, président de la société. Certaines mesures ont été explicitées et nous avons intégré des indicateurs supplémentaires, comme l’hygrométrie. Cela permettra à l’éleveur de conduire plus efficacement son bâtiment d’élevages. » Collaborer avec l’Afssa a aussi renforcé la crédibilité de cette PME. « Nous avions des ressentis sur la qualité de l’air, des habitudes relayées par les éleveurs, mais jamais de données scientifiquement prouvées. Aujourd’hui, nous avons des mesures objectives. »

Assurément, les nouveaux bâtiments et équipements risquent d’être plus coûteux. Mais « il faut voir le bénéfice sur plusieurs années, considère François Madec. De ces travaux émergeront de nouvelles technologies ; elles seront un atout de plus pour les éleveurs comme acteurs essentiels de la filière. » L’occasion est ainsi offerte de montrer que l’élevage intensif peut être soucieux de son environnement.

Hélène Jolly

(1)Agence française de sécurité sanitaire des aliments.

François Madec,
Christelle Fablet (responsable de l’étude)
Tél. 02 96 01 62 22

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