L’éthique pour les animaux
L’expérimentation animale est cadrée. Mais lapins, souris ou pieuvres ne soulèvent pas les mêmes questions éthiques.
Prendre en compte la douleur, éviter de tuer dix lapins pour récupérer un rein. Va pour les principes de base. Mais l’éthique en expérimentation réclame une réflexion un peu plus aiguisée(1). « Il faut, par exemple, prendre en compte ce que représente l’animal dans notre conscience collective, explique Virginie Vallet-Erdtmann, chargée de mission au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. C’est propre à chaque pays. Il y a des animaux de compagnie bien sûr mais aussi de jeux ou de spectacle. Il y a ceux que l’on mange, les emblèmes, et les animaux d’expérimentation. Certains remplissent plusieurs critères. Le lapin, par exemple, peut se retrouver dans toutes ces catégories. » Ces représentations ne sont pas figées. La souris et le rat, hier haïs, sont devenus des animaux de compagnie. Leur traitement dans les laboratoires est très surveillé. Pour autant, peu d’entre nous hésiteraient à sortir une tapette s’ils osaient s’aventurer dans notre garage. Incohérence ?
Une légitimité sociale
« L’expérimentation est une pratique professionnelle. C’est pour cela qu’elle est aussi réglementée. » Les clauses à remplir sont nombreuses avant d’obtenir l’autorisation de chatouiller une petite souris blanche ou un quelconque vertébré, seuls animaux aujourd’hui pris en compte par la loi. Animaleries spécialisées agréées, personnels formés habilités, protocoles adaptés, rien n’est laissé au bon vouloir des scientifiques !
L’éthique, elle, va au-delà de la réglementation. « Elle apporte une légitimité sociale aux recherches. D’ailleurs, elle est née des expérimentateurs eux-mêmes, qui voulaient montrer qu’ils travaillaient bien avec les animaux. Pour ça, ils se sont basés sur le principe des trois R, énoncé par deux Suisses Russels et Burch, en 1959 : remplacer l’animal autant que faire ce peut par des méthodes sans animaux, réduire le nombre d’animaux utilisés et raffiner le protocole, pour obtenir le maximum d’informations dans les meilleures conditions. » Des principes aujourd’hui intégrés à la législation française.
En 2008, le Comité national de réflexion éthique sur l’expérimentation animale(2) a proposé une charte éthique, qui entreprend d’organiser des comités destinés à accompagner les projets de recherche, à réfléchir aux protocoles, à assurer la nécessité des expériences sur les animaux.
Vers une législation européenne
« Ils réunissent des professionnels (chercheurs, techniciens...), un vétérinaire et un naïf, une personne lambda non spécialisée qui apporte son regard extérieur. » Ces comités ne sont pas obligatoires mais vont peut-être le devenir avec l’adoption, d’ici trois ans, d’une législation européenne. « Il y aura d’une part des modifications administratives, mais aussi des changements de fond : les mammifères, par exemple, seront concernés dès le dernier tiers de leur vie fœtale. Certains invertébrés, comme les céphalopodes entreront aussi dans le cadre légal. »
Un autre problème
Pour Dominique Vermersch, chercheur à Agrocampus Ouest, à Rennes, « le sujet est intéressant. Car, outre les questions sur les pratiques, l’expérimentation animale pose un autre véritable problème de fond : ce que l’on sait faire sur la vache, on peut généralement le transcrire rapidement sur l’homme. Or, jusqu’où doit-on avancer sur les animaux si l’application à l’homme est déclarée illicite ou dangereuse ? »
(1) Ces réflexions n’entrent pas dans les débats en cours sur les lois relatives à la bioéthique, qui ne concernent que l’homme.
(2) Mis en place en 2005 par les ministres chargés de la recherche et de l’agriculture.
Virginie Vallet-Erdtmann
virginie.vallet-erdtmann [at] recherche.gouv.fr (virginie[dot]vallet-erdtmann[at]recherche[dot]gouv[dot]fr)
Dominique Vermersch, Tél. 02 23 48 59 14
dominique.vermersch [at] agrocampus-ouest.fr (dominique[dot]vermersch[at]agrocampus-ouest[dot]fr)
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