Cancer : ces cellules qui échappent à la mort

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N° 293 - Publié le 2 décembre 2011
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Lorsque les récepteurs Fas d’une cellule, dont l’environnement extracellulaire est enrichi en calcium, ne sont pas stimulés (en haut à droite), le calcium entre dans la cellule de façon homogène, à différents endroits de la membrane.
Dans ce même environnement, lorsque les Fas sont stimulés (en bas à droite), une entrée massive de calcium se produit en un point localisé : le canal Orai1 (flèche rouge).

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Biologie - Des chercheurs rennais ont montré qu’un taux de calcium élevé à l’intérieur d’une cellule cancéreuse pouvait empêcher sa destruction par le système immunitaire.

Tout cancer a pour origine le dérèglement du développement d’une cellule dont le patrimoine génétique a été altéré. D’ordinaire, toute cellule altérée est éliminée par “mort cellulaire programmée” ou apoptose. Ce processus naturel est indispensable au bon développement cellulaire et à la survie de l’organisme. Il arrive toutefois que certaines de ces cellules échappent à l’apoptose ; elles se multiplient formant alors des amas de cellules tumorales. « L’objectif de notre étude(1) était de caractériser les mécanismes capables de bloquer le processus de mort cellulaire, notamment ceux agissant au niveau de récepteurs de mort d’un type bien particulier : les récepteurs Fas, explique Patrick Legembre, chargé de recherche Inserm à l’Irset(2) et responsable de l’équipe “Death receptors and tumor escape”(3).

Une mort désamorcée

Présents sur les surfaces membranaires de la plupart des cellules de l’organisme, les récepteurs de mort Fas ne peuvent être stimulés que par le Fas Ligand, une molécule portée par les lymphocytes T (des globules blancs). Une fois stimulés, ils activent des enzymes, les caspases, chargées de détruire la cellule. « Aussi, nous avons cherché à savoir à quel niveau de cette chaîne de la mort et par quel mécanisme le processus s’interrompt, précise Patrick Legembre. Nous nous sommes alors intéressés au calcium. » Présent dans tous les liquides de l’organisme, l’ion calcium est en effet connu pour contrôler plusieurs fonctions cellulaires et notamment la mort. « Grâce à des expérimentations menées sur des cellules cancéreuses et saines types, nous avons observé, par vidéomicroscopie, que dans les deux cas, l’activation des récepteurs Fas provoque l’ouverture d’un canal, appelé Orai1, par lequel les ions calcium pénètrent dans la cellule. Lorsque le taux de calcium dans l’organisme est normal, l’entrée de ces ions provoque un blocage temporaire (de quelques minutes) de l’émission du signal de mort par le récepteur Fas. Ce temps de blocage suffit à éliminer les cellules cancéreuses tout en laissant la vie sauve aux cellules saines. En effet, au bout de quelques minutes, le lymphocyte T quitte spontanément la cellule pour aller en tester d’autres. En revanche, si le taux de calcium dépasse la normale alors un plus grand nombre d’ions calcium pénètrent dans la cellule avec pour conséquence un temps de blocage plus long, entre 10 minutes et une heure, permettant aux cellules saines mais également aux cellules cancéreuses d’échapper à la mort. » Si le mécanisme de blocage est désormais partiellement éclairé, il reste néanmoins de nombreuses questions en suspens notamment concernant l’origine de l’augmentation du taux de calcium dans l’organisme (dérèglement hormonal, thyroïdien...).

Pour la chimiothérapie

En diminuant le taux de calcium dans l’organisme, il serait ainsi possible de faciliter l’élimination des cellules cancéreuses par le système immunitaire ou encore par chimiothérapie. « En effet, de nombreux médicaments utilisés en chimiothérapie agissent également en activant les récepteurs de mort des cellules suspectes, celles qui se divisent particulièrement vite. Aussi, nous avons déposé un brevet sur l’utilisation de molécules hypocalcémiques comme compléments de chimiothérapie, annonce Patrick Legembre. Leur synergie pourrait en effet rendre la thérapie plus efficace. »


Julie Danet

(1) Ces travaux ont été supportés par l’Agence nationale de la recherche, l’Inca, le Cancéropôle grand Ouest, la Région Bretagne, Rennes Métropole et les ligues contre le cancer d’Ille-et-Vilaine, du Morbihan, des Côtes-d’Armor et du Maine-et-Loire.

(2) Institut de recherche sur la santé, l’environnement et le travail, Université de Rennes1.

(3) Équipe “Récepteurs de mort et échappement tumoral”.

Patrick Legembre Tél. 02 23 23 48 07
patrick.legembre [at] inserm.fr (patrick[dot]legembre[at]inserm[dot]fr)

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