Des Britanniques bien centrés

N° 309 - Publié le 16 mai 2013
© Alain Amet - Musée de Bretagne
Originaire du Dorchester (Angleterre), Roz Jefferson pose devant sa maison de Languidic (Morbihan) où elle habite avec son mari depuis 1992.

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Installés majoritairement en centre-Bretagne, les migrants britanniques bénéficient de stéréotypes positifs.

Quelle est la langue la plus parlée en Bretagne après le français et le breton ? Élémentaire mon cher Watson : c’est l’anglais ! 13476 Britanniques ont fait le choix de venir vivre en Bretagne, ce qui en fait la première population d’étrangers devant les Turcs (5296) et les Marocains (4358). Ils ont une particularité : à l’inverse des autres migrants, ils choisissent de s’installer prioritairement dans les zones rurales, plutôt que dans les villes. On les retrouve particulièrement en centre-Bretagne. Aude Étrillard y a de la famille. Elle est aussi titulaire d’une licence d’anglais. C’est donc assez naturellement que, pour sa thèse, elle a choisi d’étudier la sociolinguistique des interactions entre ces migrants et la population d’accueil, encadrée par Philippe Blanchet, du laboratoire Préfics(1), à l’Université Rennes 2 (lire p. 16-17).

Le fantasme de l’idylle rurale

La raison du choix du centre-Bretagne s’explique en partie par le prix des biens immobiliers de la campagne anglaise, inaccessibles pour la classe moyenne, et aussi par le fait que 92 % des Britanniques vivent en milieu urbain. « En Grande-Bretagne il y a un fantasme de l’idylle rurale(2) », explique Aude Étrillard. Les Britanniques sont par ailleurs une population qui bouge énormément, et pas seulement en Bretagne. En France, on les retrouve dans le Limousin, le Midi, mais aussi sur la côte espagnole et, plus récemment, en Inde et en Bulgarie.

« Dans l’évolution sociétale “moderne”, on constate que les individus des sociétés occidentales sont plus responsabilisés individuellement face à leur parcours social(3), poursuit Aude Étrillard. Ce qui favorise la mobilité. »

La réalité du terrain

Une fois sur le terrain, il y a parfois des différences entre l’idéal rural et la réalité... En partie à cause de la langue, certains Britanniques ne créent pas de liens avec leurs voisins, ce qui, en milieu rural, est très visible et mal perçu par les locaux. « Il y a par endroit des tags “Brits out !” qui font probablement référence aux événements survenus en Irlande du Nord, détaille la jeune chercheure. Il existe par ailleurs quelques cas préoccupants de personnes vieillissantes très isolées. » D’autres migrants, au contraire, s’impliquent dans la vie politique locale, créent des associations et sont totalement épanouis. Du côté des accueillants, ils sont souvent bien perçus par les élus locaux car ils participent au développement économique du territoire. Entre ces deux cas, il existe bien sûr tout un panel de nuances qu’Aude Étrillard est allée observer sur le terrain pendant deux ans.

Elle a aussi noté l’influence due au statut de la langue de Shakespeare en France. Le fait que la plupart des Français aient des notions d’anglais facilite particulièrement les premiers échanges pour l’accueil et l’orientation des migrants. Mais c’est à double tranchant. Car il peut être reproché aux Britanniques de ne pas faire l’effort de s’exprimer en français !

Le rôle ambivalent de la langue

« Ce qui est sûr, c’est que, identifiés caucasiens, européens et anglophones, les Britanniques venant de la classe moyenne ne correspondent pas aux stéréotypes des “migrants” ou des “immigrés” et donc ne sont pas considérés comme tels. » Car même s’ils viennent en France en grande partie pour des raisons financières, les Britanniques bénéficient du stéréotype positif dont tirent parti les “migrants riches” qui viennent du Nord, en opposition à ceux, perçus plus pauvres, qui arrivent du Sud. Encore une particularité “so british” !

Nathalie Blanc

(1)Préfics : Plurilinguismes, représentations, expressions francophones - information, communication, sociolinguistique.

(2)Michaela Benson, 2011, The British in Rural France, Manchester University Press, et Jacques Barou et Patrick Prado, 1995, Les Anglais dans nos campagnes, L’Harmattan.

(3)C’est ce que soulignent Michaela Benson et Karen O’Reilly en travaillant sur les migrations Brit (Benson et O’Reilly, 2009, Lifestyle Migration, Ashgate).

Aude Étrillard, aude.etrillard [chez] gmail.com (aude[dot]etrillard[at]gmail[dot]com)

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