Des zombies sous l’océan
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Des microbiologistes brestois ont mis au jour des bactéries vivantes à deux kilomètres sous le plancher océanique.
Leur existence vient d’être révélée. Elles dorment à deux kilomètres sous le plancher océanique. Elles, ce sont des bactéries microscopiques, les organismes vivants les plus profondément enfouis sous l’océan jamais retrouvés. Elles ont été découvertes par des microbiologistes de l’Institut universitaire européen de la mer de Brest (IUEM).
Repousser les limites
À la fin de 2009, lors d’une campagne océanographique IODP(1) dans le bassin de Canterbury, au large de la Nouvelle-Zélande, le Joides Resolution, navire spécialisé dans les forages profonds, parvient à creuser jusqu’à 1927 m sous le plancher océanique. Maria-Cristina Ciobanu, doctorante à l’IUEM(2), est à bord et rapporte vingt-cinq échantillons prélevés le long de cette carotte exceptionnelle. Au laboratoire, l’équipe en extrait de l’ADN de différents organismes. Avec l’aide d’écologues de Rennes(3), les microbiologistes repèrent des séquences d’archées - des unicellulaires différents des bactéries - jusqu’à 634 mètres sous le plancher océanique, ainsi que les traces de champignons, jusqu’à 1740 m, un premier record ! « Des microorganismes vivants avaient déjà été retrouvés entre 0 et 500 m, explique Karine Alain, qui a encadré la thèse, et cosigne la publication parue en juin dernier(4), et des traces d’archées dans des sédiments prélevés à 1626 m. Mais là, nous avons repoussé les limites de détection de trace de la vie sous les océans ! » Des collègues du laboratoire Lubem de Brest ont depuis montré que ces champignons étaient actifs jusqu’à 340 m, « après, cela peut être de l’ADN fossile, ou des organismes en dormance, des zombies ! »
Zombies et cannibales
En parallèle, les scientifiques mettent en culture d’autres échantillons prélevés au plus profond, à 1922 m, conservés à 4 °C avec de l’azote. Rapidement, ils constatent que des bactéries se développent. Une véritable surprise ! « On ne savait pas du tout ce qu’on allait trouver, reprend Karine Alain, le bassin de Canterbury n’est pas hostile : à 1922 m de profondeur, les températures ne dépassent pas les 100 °C, une température facilement supportée par certains microorganismes. Par contre, l’espace est très restreint : les interstices dans le sédiment ne dépassent pas les quatre micromètres, nous pensions que ce serait une limite à la vie ! »
Trop petites et trop capricieuses pour être séparées - elles mesurent entre 400 et 800 nm -, les bactéries sont clonées pour obtenir leur signature ADN. Cette dernière est proche de celle des bactéries généralistes, que l’on retrouve ailleurs, dans des milieux plus classiques : avec de l’oxygène et à des températures modérées. C’est étrange. « On pense que ces bactéries ont pu être enfouies avec les sédiments, et que les survivantes sont celles qui ont su s’adapter à ces nouvelles conditions. » Des survivantes qui seraient en dormance sous le fond des océans. « À cette profondeur, nous n’avons pas repéré assez de carbone organique pour nourrir tout ce monde. Elles ont pu s’orienter vers d’autres cycles de vie et développer le cannibalisme. Pour l’instant, l’hypothèse la plus probable est que la majorité d’entre elles sont aussi des zombies, qui attendent des conditions meilleures pour se réveiller... »
(1)Integrated Ocean Drilling Program est un programme de recherche international sur l’histoire et la dynamique de la Terre.
(2)Dans le Laboratoire de microbiologie des environnements extrêmes (CNRS, Ifremer, UBO). (3)Laboratoire Écobio, CNRS, Université de Rennes 1.
(4)Microorganisms persist at record depths in the subseafloor of the Canterbury Basin, The ISME Journal.
Karine Alain
Tél. 02 98 49 88 53
karine.alain [at] univ-brest.fr (karine[dot]alain[at]univ-brest[dot]fr)
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