« Un scientifique ne doit pas se limiter à ce qu’il a envie de voir. »

Portrait

N° 337 - Publié le 22 mars 2017
ADRAMAR - Teddy Seguin
L'épreuve par 7
Anne Hoyau-Berry

Archéologue sous-marin à l’Adramar

Magazine

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Qu’auriez-vous fait si vous n’aviez pas été chercheur ?

J’aurais été artiste, sculptrice sur bois ou peintre. Quand j’ai un moment de libre, c’est une activité obligée pour me libérer la tête.

Aujourd’hui, qu’avez-vous trouvé ?

Ma découverte d’hier soir concerne des fouilles en Guadeloupe. Aux Saintes, à quatre-vingts mètres du rivage et sous quatre mètres d’eau, il y a de petites collines. Nous pensions à des navires, naufragés dans l’ouragan de 1666. Mais un scientifique doit rester ouvert, et ne pas se limiter à ce qu’il a envie de voir ! Ces tumuli seraient en réalité des coraux morts, déchargés pour alimenter des fours à chaux au 19e siècle. C’est l’hypothèse le plus probante.

Le hasard vous a-t-il déjà aidé ?

Non. Et il faut être vigilant vis-à-vis des intuitions. En amont du barrage de la Rance, nous travaillons sur une épave non identifiée. Et nous avons par ailleurs trouvé un texte d’archives, sur le naufrage d’un navire, le César. Il a tapé une roche en 1692 et coulé devant La Richardais. Mais un prélèvement sur l’épave a montré que la date d’abattage des bois est comprise entre 1700 et 1750. Nous pensions que le hasard nous avait aidés à identifier le navire. La déception a été d’autant plus grande !

Qu’avez-vous perdu ?

J’ai parfois perdu le nord ! Quand la visibilité dans le fond est épouvantable, je n’arrive même pas à voir l’aiguille de la boussole et à lire mes instruments. Tous les vestiges que nous étudions doivent pourtant être positionnés dans l’espace, pour être reproduits comme s’il n’y avait pas d’eau.

Que faudrait-il mieux ne pas trouver ?

Quand on fouille, on a une petite idée de la chronologie, on descend dans les couches archéologiques des 18e, 17e, 16e siècles. Et on découvre parfois une bouteille en plastique ! C’est très déstabilisant. Les mouvements des fonds marins peuvent être impressionnants.
Il faut bien repenser les choses.

Quelle est la découverte qui changerait votre vie ?

Une épave antique en Manche ! Elle attesterait des échanges commerciaux qui existaient à l’époque romaine, entre la Gaule et les îles britanniques.

Qu’est-ce qui vous ferait douter de la rationalité ?

Rien. Sinon, on ne fait plus de recherche.

PROPOS RECUEILLIS PAR Nicolas Guillas
La plongeuse, qui travaille à l’Association pour le développement de la recherche en archéologie maritime, à Saint-Malo, a été interviewée par téléphone par Nicolas Guillas.

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