Des mouches mises au frigo
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Une équipe de recherche de Rennes a mis au point une méthode originale pour conserver les mouches des fruits.
Mettre des insectes au froid n’est pas une lubie de chercheurs mais une réponse à un problème concret : diminuer le coût et la main d’œuvre nécessaire à leur élevage. De par le monde, des milliards d’insectes sont élevés pour être utilisés pour la recherche, la lutte biologique ou comme pollinisateurs. Leur conservation au froid permet de les garder plus longtemps à un stade donné et de prolonger leur durée de vie. Soumis à des faibles températures, les insectes des latitudes tempérées ralentissent naturellement leur métabolisme et restent immobiles, ce qui facilite leur entretien et leur manipulation. Mais Drosophila melanogaster, la petite mouche reine des laboratoires, utilisée dans de nombreuses études de génétique et sur les pathologies, ne tolérait aucune conservation par le froid. Et pour cause, elle est originaire des tropiques, où elle n’a pas besoin de ralentir son métabolisme pour passer l’hiver. Pourtant, Hervé Colinet, du laboratoire Écobio(1), à l’Osur(2), sur le campus de l’Université de Rennes 1, en collaboration avec des chercheurs tchèques, a réussi à mettre au point une méthode permettant de conserver ces mouches à faible température.
« Nous nous sommes inspirés du milieu naturel. Dans la nature, la température ne reste pas en permanence à 4 °C, elle fluctue», explique le chercheur. Les études ont montré qu’une conservation aux alentours de 5 °C, avec une augmentation à 20 °C pendant deux heures chaque jour, permet d’éviter l’accumulation des dommages causés par le froid et d’arrêter le développement de l’insecte pendant deux mois, soit une espérance de vie multipliée par dix !
L’équipe du chercheur s’attaque maintenant à une autre espèce de drosophile, Drosophila suzukii. Originaire d’Asie du Sud-Est, elle a débarqué en Europe en 2008. Contrairement à sa cousine qui adore les fruits en décomposition, elle pond dans les fruits mûrs. Un désastre pour les producteurs de fruits rouges, qui n’ont aucun moyen de s’en protéger ! L’équipe rennaise fait partie du projet international Suzukill(3). L’idée est d’introduire dans les serres des mâles stérilisés ou porteurs d’une bactérie provoquant la stérilité des descendants. Ils rentrent en compétition avec les mouches fertiles, et stoppent ainsi la reproduction de l’espèce. Seulement, il faut pouvoir accumuler des millions d’individus avant de les relâcher en masse. C’est là que le stockage dans le froid devient utile !
(1) Unité mixte de recherche CNRS, Université de Rennes 1.
(2) Observatoire des sciences de l’Univers de Rennes.
(3) Le projet regroupe l’Université de Rennes 1, l’Université des sciences du vivant de Vienne (Autriche), l’Agence internationale de l’énergie atomique, la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) et l’Université de Lyon 1.
Hervé Colinet
tél. 02 23 23 64 38
herve.colinet@univ-rennes1.fr
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