Analysées sous toutes les coutures

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N° 357 - Publié le 11 décembre 2017
Introspect anr/Frsco

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Deux anciennes ceintures amérindiennes vont révéler leurs secrets de fabrication grâce à des compétences rennaises en reconstitution numérique.

Au début de novembre, deux ceintures de perles fabriquées il y a plus de trois cents ans et originaires de l’actuelle province du Québec sont arrivées à Rennes. Ce sont des wampums, offerts à la fin du 17e siècle à la cathédrale de Chartres, par les premières nations huronne-wendat et abénakis (lire encadré). Grâce à l’expertise développée dans la métropole rennaise autour des technologies 3D, il sera possible d’obtenir de nouvelles connaissances historiques, d’éclaircir le mode de fabrication de ces objets et d’interagir virtuellement avec eux. Il s’agit du dernier objet d’étude en date du projet Introspect(1), mené par un consortium franco-québécois(2), réunissant des chercheurs en réalité virtuelle et des archéologues.

1) Les ceintures ont été examinées à l'aide de plusieurs appareilzs d'imagerie 3D permettant leur modelisation, notamment une caméra numérique 3D et un scanner à rayons X.
 

 

 

2) L'étude permettra de connaître les techniques de tissage employées et d'analyser les milliers de perles utilisées.
 

 

 

« L’objectif vise à développer de nouveaux usages et outils qui facilitent l’accès des archéologues à de nouvelles connaissances(3) », explique Valérie Gouranton, chercheuse à l’Insa(4) Rennes et coordinatrice du projet côté français. L’équipe est spécialisée dans la reconstitution numérique 3D interactive, notamment en réalité virtuelle : « Cela permet de manipuler l’objet comme si on l’avait en main, et d’effectuer des observations difficiles voire impossibles à réaliser sur l’objet réel », précise Théophane Nicolas, archéologue à l’Inrap(5).

Des milliers d’images

Le tissage des wampums, dont l’un mesure deux mètres, est complexe. Ils sont composés de plus de dix mille perles de coquillages et de verre, fixées sur des lanières en fibres végétales et en cuir, bordées de tresses de poils de porc-épic teints. Les wampums ont été passés au scanner à rayons X(6), afin de déterminer leur structure interne et modéliser leur verso. Il est en effet impossible de les décrocher de leur support, pour des raisons de conservation. Un scanner laser 3D et de la photogrammétrie, technique qui permet de reconstituer un objet en relief à partir de photos prises sous différents angles, viennent en complément, pour numériser la texture et le volume externe. Enfin, un microscope numérique a scruté les détails de la trame et des perles. Plusieurs centaines de photographies et 100000 coupes aux rayons X ont été prises pour chaque ceinture ! Les travaux de modélisation prendront plusieurs mois. « Le logiciel tourne depuis dix jours, et on a juste les premières restitutions », révèle Ronan Gaugne, directeur technique de la plate-forme de réalité virtuelle Immersia, intégrée au projet.

Étude perle par perle

Les ceintures seront étudiées minutieusement. Chaque perle sera ainsi caractérisée, afin de connaître son mode de fabrication et sa provenance. « Les perles en verre sont d’origine européenne ; identifier leur lieu de production et les comparer avec d’autres exemplaires trouvés en Amérique du Nord permettra de retracer les réseaux d’échanges et les contacts entre les Amérindiens et les colons », explique Théophane Nicolas. L’étude n’en est qu’à ses débuts, mais déjà les chercheurs ont fait des premières constatations : « C’est un tissage qui révèle un travail spécialisé et un fort investissement notamment en temps, décrit Valérie Gouranton. De plus, les techniques sont différentes entre les deux wampums. » À l’heure du numérique, des copies virtuelles des deux ceintures feront le voyage inverse de leur modèle physique, pour être exposées dans leur communauté d’origine, où ces deux wampums ont une grande valeur patrimoniale.

Don et métissage

Les wampums sont des tissages de perles, utilisés traditionnellement par les Amérindiens pour sceller des pactes ou représenter des événements importants. À la suite de leur évangélisation par des missionnaires liés à la cathédrale de Chartres, les membres des premières nations huron-wandat et abénakis en confectionnent, en dédicace à la Vierge Marie, pour les offrir à la cathédrale. Une ceinture huronne-wendat arrive à Chartres en 1678, et est rejointe par celle des Abénakis en 1691. Les deux wampums sont, depuis, conservés dans le trésor de la cathédrale.

Maryse Chabalier

(1) Introspection du mobilier archéologique à l’ère du numérique.
(2) Réunissant l’Insa Rennes, l’Inrap, le Cnrs, l’Université de Rennes 1, l’Université de Laval (Québec) et l’Institut national de la recherche scientifique (Québec).
(3) Lire L’archéologie prend une nouvelle dimension, Sciences Ouest n° 305-janvier 2013.
(4) Institut national des sciences appliquées, Unité mixte de recherche Irisa.
(5) Institut national de recherches archéologiques préventives.
(6) L’imagerie a été faite en collaboration avec les entreprises Bcrx et Image ET.

Valérie Gouranton
tel. 02 99 84 22 18
valerie.gouranton@irisa.fr

Théophane Nicolas
Tel. 02 23 36 00 54
theophane.nicolas@inrap.fr

Ronan Gaugne
Tel. 02 99 84 74 72
ronan.gaugne@irisa.fr

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