La Saint-Jacques, véritable fenêtre sur le passé

Actualité

N° 420 - Publié le 3 juin 2024
© ERWAN AMICE / CNRS

Magazine

4320 résultat(s) trouvé(s)

Et si la coquille Saint-Jacques était une archive de l’environnement ? Une équipe brestoise s’intéresse à la dynamique passée du phytoplancton pouvant être révélée dans les stries de la coquille.

Diatomées, dinoflagellés, coccolithophoridés… ces microalgues qui dérivent avec le courant constituent le phytoplancton, vital pour l’équilibre de notre planète. À la base de la chaîne alimentaire, ces êtres vivants sont un important puits de carbone et produisent près de la moitié de l’oxygène sur Terre.

Souvent, à partir du printemps lorsque la température de l’eau et l’intensité lumineuse augmentent, ils peuvent se développer en très grandes quantités, formant des blooms, ou efflorescences. À la fin de ces périodes de forte activité, les microalgues produisent des composés collants agissant comme un ciment. Les cellules s’agglomèrent alors entre elles, formant des agrégats, appelés « neige marine », qui peuvent atteindre plusieurs centimètres.

Lire le passé dans les stries


Une équipe du Lemar1, à Brest, étudie comment ces dynamiques d’agrégats peuvent affecter la concentration de deux éléments chimiques, le baryum et le molybdène, présents dans la colonne d’eau et, a posteriori, dans les coquilles de mollusques. Valentin Siebert, docteur en écologie marine à l’UBO2, spécialiste de la coquille Saint-Jacques, étudie son rôle d’archive environnementale.

De la même façon que les arbres avec leurs cernes, les Saint-Jacques créent des stries de croissance journalière. Le biologiste explique avoir « analysé la composition chimique de chaque strie de coquilles prélevées en rade de Brest sur une période d’un an de croissance, de mars à octobre car la coquille ne grandit pas en hiver ».

Cette analyse chimique se focalise sur les variations de baryum et de molybdène dans la coquille car elles suivent respectivement les blooms de diatomées et la présence d’agrégats dans l’environnement. « Le baryum est retenu à la surface de la coque des diatomées, avant que ces microalgues soient consommées par les Saint-Jacques, précise Valentin Siebert. S’il y a un pic de baryum dans la coquille, c’est qu’il y a eu un pic de phytoplancton enrichi en baryum au même moment dans la colonne d’eau. Je m’intéresse alors, entre autres, au baryum incorporé dans la coquille des mollusques comme indicateur de la présence du phytoplancton. » L’étude, qui vient d’être publiée3, montre que les agrégats sont enrichis en molybdène et que leur ingestion serait à l’origine de l’augmentation des concentrations de ces éléments dans la coquille des Saint-Jacques.

Des coquilles de 5 000 ans


Et pour affiner leur recherche, les scientifiques analysent aussi de très anciennes coquilles. « Des Saint-Jacques vieilles de 5 000 ans ont été retrouvées sur des sites archéologiques du Finistère. Les blooms de phytoplancton étaient-ils de la même intensité ou à la même période de l’année à cette époque ? », s’interroge le chercheur. La coquille Saint-Jacques serait donc une véritable fenêtre sur le passé !

Fabio Perruchet

1. Laboratoire des sciences de l’environnement marin.
2. Université de Bretagne Occidentale.
3. Dans la revue Estuarine, Coastal and Shelf Science.

TOUTES LES ACTUALITÉS

Abonnez-vous à la newsletter
du magazine Sciences Ouest

Suivez Sciences Ouest